Cercle Linguistique d\'Aix-en-Provence

Cercle Linguistique d\'Aix-en-Provence

Séminaires 2010-2011 : Valence, structure et typologie lexicales


Sibylle Kriegel, Créoles et français : Quelques différences dans la valence verbale

Sibylle Kriegel

Créoles et français : Quelques différences dans la valence verbale

 

Résumé

 
Je vous présenterai cinq domaines où les créoles seychellois et/ou mauricien n’emploient pas les mêmes patrons valenciels que leur langue de base, le français.

  1. l’expression du réfléchi

  2. la diathèse passive en gany

  3. le sujet ø en créole mauricien

  4. le codage des verbes ditransitifs

  5. le codage du mouvement ablatif avec des verbes intransitifs

 Concernant quelques-unes de ces restructurations, je proposerai des interprétations possibles. Il convient de distinguer plusieurs facteurs qui interagissent et convergent pour donner lieu à ces changements : 

  1. des processus de grammaticalisation « classiques » et internes à la langue

  2. des phénomènes qui sont dus aux contacts de langues (soit avec les langues dites de ‘substrat’, donc des langues parlés par les populations serviles lors de la créolisation ; soit des langues européennes qui ont participé à un moment donné aux multiples contacts de langues, soient des langues qu’on pourrait qualifier d’’adstrat’.

  3. le passage à l’écrit accéléré notamment du créole seychellois qui aboutit à des changements structurels.

 


18/03/2013
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Romana Timoc-Bardy, Résumé : Espace de la personne et expression de la possession en roumain et dans les langues romanes


 Romana TIMOC-BARDY :

 

Espace de la personne et expression de la possession

en roumain et dans les langues romanes

 

 

 

 

Résumé

 

Dans les langues romanes, l'expression de la possession est un domaine qui laisse particulièrement entrevoir les rapports sous-jacents entre la personne et son espace. Ces langues connaissent, outre des marqueurs explicites (déterminants ou adjectifs possessifs proprement dits), d'autres marqueurs, « implicites », tels que, notamment, l'article défini et le pronom personnel clitique adverbal dit « datif possessif ». Chaque langue romane utilise ces moyens dans des proportions qui lui sont spécifiques et qui permettent de déduire l'espace qui y est affecté à la personne. L'on constate d'emblée le contraste frappant entre les spécificités des deux langues romanes « extrêmes » : d'un côté le français, réticent à se passer des moyens explicites et limitant en principe le recours au clitique datif à la « possession inaliénable » (parties du corps) ; de l'autre côté le roumain, qui privilégie et généralise les moyens implicites, ce qui, dans cette langue, réduit d'autant l'usage de l'adjectif possessif. Entre ces deux pôles, les autres idiomes romans, dont l'italien, très souvent proche du roumain et, souvent aussi, se rapprochant du français. Nous montrerons que, en roumain, la structure ternaire « Clitique datif + Verbe + Nom (art. déf.) » – où le datif correspond au possesseur et où le nom correspond à l'objet possédé – a un caractère général comme expression neutre, non marquée, de la possession. Elle accepte tout objet possédé et indique ainsi que la distinction aliénable / inaliénable est inopérante dans cette langue, ce qui nous permet de déduire que la relation sous-jacente entre la personne et son espace est de type symbioque. Il ne semble pas non plus y avoir de restriction quant aux verbes utilisés, ce qui mène à des modifications dans les valences verbales, qui se trouvent souvent enrichies. La construction possessive ne tient pas compte du régime initial, « normal », des verbes. Exemple : I-au plecat colegii. (*Lui sont partis les collègues, au sens de Ses collègues sont partis.) L'on se trouve en fait devant une véritable fonction sémantico-grammaticale : « la fonction possessive », par ailleurs récemment reconnue par la Grammaire de l'Académie qui, dans son édition de 2005, a introduit une nouvelle fonction syntaxique : le complément possessif, inexistant auparavant dans la tradition grammaticale roumaine.

 


18/03/2013
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Sophie Saffi, Résumé : Présentation comparative italien / français de la personne et de son espace

Sophie SAFFI

 

Présentation comparative italien / français

de la personne et de son espace

 

Résumé

 

La confrontation des trois situations latine, italienne et française, mettra en lumière un processus opératif commun. Nous distribuerons les conceptions de l’espace, de la personne, du genre, du nombre et de l’intersubjectivité sur le temps opératif d’un tenseur radical spatial divisé en deux étapes successives d’intériorité et d’extériorité. Nous montrerons que chaque première étape est une conception de type fusionnel : l’intériorité, le féminin, le pluriel interne, la symbiose. Tant que le repérage spatial se fait par rapport au couple dialogal, ce qui suppose une relation symbiotique entre le locuteur et l’interlocuteur, puisque, d’une part, la proximité est conçue comme interne au couple dialogal, et d’autre part, l’éloignement est compris comme externe au couple dialogal, nous sommes historiquement dans un schéma qui correspond à une marque retenue pour la première étape. Dans ce cas de figure, qui est celui du latin à l’italien, le pluriel interne existe dans le système, ainsi que la différenciation du genre à la 3ème personne objet (ex. : it. Le parlo vs. Gli parlo). Dès que l’on passe à une conception externe, quand aucune marque n’est retenue pour la première étape, le pluriel interne est exclu du système, la différenciation de genre à la 3ème personne objet est abandonnée (ex. : fr. Je lui parle). Par contre, l’appartenance implicite est représentative d’un système où la personne a une sphère personnelle étendue typique d’une relation symbiotique à son environnement, et représentative des systèmes de langue où la première étape n’est pas shuntée. Nous montrerons qu’une conception interne a des affinités avec la flexion et la quantité vocalique, la conception externe avec la déflexion et le vocalisme nasal, le critère spatial étant ainsi fondateur de tout type de construction : psychologique et linguistique, morphosyntaxique et phonologique.


18/03/2013
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Cyril Aslanov, Résumé : Brouillages de la valence dus au contact du français avec l'arabe

Cyril Aslanov

(Université de Jérusalem)


Brouillages de la valence dus au contact du français avec l'arabe



Résumé


Le contact entre divers dialectes arabes et certaines variétés de français (français pied-noir ; français algérien ; franbanais ; français d'Egypte) a souvent donné lieu à  des calques syntaxiques de l'arabe en français. Ces interférences se manifestent notamment à  travers l'emploi absolu de certains verbes appelant normalement un complément direct (exemple : « elle fréquente » au sens d'entretenir une relation amoureuse) ou bien au contraire à  travers l'adjonction de compléments intempestifs : « il voyage à Paris » au lieu de « il va à  Paris » ; « il a prié minhah » au lieu de « il a terminé la prière de minhah ». Ces perturbations de la valence sont riches d'enseignement et peuvent même remettre en question la pertinence de la notion de valence dans certains registres de langue.

 

Aslanov--article-Valence.pdf

 

 

 


18/03/2013
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Pablo Kirtchuk, Résumé : Principia Linguistica

Pablo Kirtchuk

(CNRS-LACITO, INALCO)

 

Principia Linguistica

 

Mots-clés

accusativity - actancy - Afroasiatic - Amerind – anaphora = Intra-Discursive deixis - Aramaic - autopoiesis - biology - biphonematism of the Semitic root – Bühler - communication (> categorization / conceptualization) - multiple encoding - cognition - complexity - context - creologeny - Darwin - deixis - diachrony - diaglottics - human dimension of language - dynamics : interlocution > language faculty, discourse > grammar, parole > langue, praxis > system - loanability scale - epigeny - ergativity - evolution - expressivity - focalization - function - grammaticalization - Greenberg - Guarani - Hebrew - internal hierarchy of the utterance – interaction - Hispanic - iconicity - Indo-european - intonation - Lamarck - languaging - Maturana (& Varela) - interaction – (deictic vs.) noun vs. verb - non-person - onomatopoetics - ontogeny - origin of language - paleontology - pauper Popper - phylogeny - Pilagá - pragmatics - prosody - proto-sapiens - Quechua – reduplication - scalarity - segmentals – subsegmentals - Semitic - Spanish - taboo - topicalization - typology - valency - zero marking

 

Résumé

Ce qui sous-tend la recherche linguistique dès ses origines et jusqu’à présent est l’hypothèse grammatocentrique. A preuve la prolifération de théories commençant par ‘grammaire’. Or l’hypothèse grammatocentrique en linguistique équivaut à l’hypothèse géocentrique en astronomie dont la version élaborée par Ptolémée a subi pendant les 15 siècles où elle a prévalu de multiples ajustements pour se conformer aux observations sans cesse renouvelées. Or si une théorie a besoin de modifications aussi nombreuses et permanentes pour prévaloir c’est que l’hypothèse sur laquelle elle est fondée est fausse. L’hypothèse géocentrique a été remplacée par l’hypothèse héliocentrique. De G comme géo- on est passé à H comme hélio-. Ma propre théorie du langage, LUIT (Language: a Unified and Integrative Theory), désormais PL, fait le même passage de G à : de G comme grammato- à H comme humano-centrique. H donne aux observations anciennes un sens nouveau et intègre des faits connus que G avait pourtant ignorés. LUIT (que j’ai commencé à développer en 1987) est donc – modestement – une révolution copernicienne qui confirme la thèse de Kuhn (1964) : la science avance par à-coups et non pas par accumulation linéaire de données.

Si la théorie de l’évolution postulée par Lamarck et corrigée par Darwin n’avait pas été énoncée, le langage l’aurait suggérée. Nous étudierons (1) la morphophonologie, syntaxe, sémantique et pragmatique des (a) déictiques démonstratifs et des noms, (b) personnes dialogales vs. non-personne (2) des aspects de l’into-prosodie et de la hiérarchisation interne de l’énoncé  (3) l’onomatopée à la base des racines afro-asiatiques.

La dynamique du langage est multidimensionnelle et s’exerce en phylogénie, ontogénie, synchronie, diachronie, créologénie, emprunt. La systématisation du langage à la fois en tant que faculté ayant un versant anatomique, physiologique et génétique, donc en tant que réalité biologique puis en tant que structure caractérisée par des relations internes au sein de et entre ses composantes que nous appelons grammaire et lexique, ne peut avoir émergé au cours de l’évolution ni fonctionner en tant que phénomène vivant que comme résultat d’une interaction permanente et non circonscrite à certaines périodes de l’année ou de la vie, ni à des tâches préétablies génétiquement ni à certaines catégories sociales au cours des centaines de milliers de générations entre les membres d’une même espèce ou sous-espèce qui s’en sont dotés au point d’en faire une propriété définitoire qui a des aspects biologiques mais ne se résume pas à ceux-ci. Grâce à cette interaction toujours à l’œuvre dans la mesure où l’Homme reste un être biologique.

Parmi les propriétés constitutives du langage se trouvent : (1) sa nature phonique et les organes afférents à la production des phonèmes non-segmentaux et segmentaux ; (2) la créativité – la création d’information – et non simplement la transmission d’information existante – sur la base d’une réalité dont le locuteur / auditeur fait partie ; (3) la hiérarchisation de cette information lors de la communication en fonction de l’importance relative qui lui est attribuée, du degré de connaissance partagée et de sa mémorabilité, accessibilité et réactibilité relatives ; au besoin en faisant fi des contraintes grammaticales ; (4) l’iconicité, soit le lien entre forme et contenu, qui s’accroît dès qu’on approfondit dans les couches pré-grammaticales du langage ; (5) la deicticité ou la capacité à montrer des objets extra-discursifs en contexte partagé sans conceptualisation ni mémorisation et sans les structures cérébrales idoines, capacité propre à l’Homme à l’exclusion de toutes les autres espèces ; (6) la distinction à tous les niveaux entre d’une part les deux personnes dialogales, ce qui reflète une conscience de soi comme distinct d’autrui, donc la conscience d’autrui, et d’autre part la non personne (7) l’existence de domaines sémantiques réservés liés à la psychophysiologie humaine et traités spécifiquement dans le langage, puis la hiérarchisation de la parole en fonction des rapports sociaux, (8) la possibilité pour les langues de se mélanger sans égard pour leurs différences grammaticales.

Parmi les propriétés correspondantes des langues particulières, on trouve entre autres, translinguistiquement (a) l’importance capitale de l’intonation-prosodie, qui au besoin prévaut sur la composantes grammaticale et lexicale du message (b) la capacité de combiner des éléments pour créer des réalités nouvelles voire inexistantes, la seule contrainte étant l’inter-compréhensibilité ; (c) la possibilité de rhématiser et thématiser des éléments de l’énoncé en faisant fi des contraintes grammaticales ; (d) l’iconicité destinée à faciliter la compréhension, mémorisation et réaction au message en temps réel ; (e) les différences à tous les niveaux entre noms et déictiques ; (f) l’affinité entre les deux personnes dialogales aux niveaux morphologique, syntaxique, sémantique et pragmatique en face des différences qui les opposent à la prétendue 3e personne, en fait une non-personne (Benveniste 1965, Kirtchuk passim) ; (g) l’existence de lexèmes tabou d’une part, de formes de politesse et honorifiques d’autre part qui ne peuvent s’utiliser à bon escient qu’en contexte défini d’un commun accord par les deux interlocuteurs au risque de rompre le dialogue ; (h) la formation de pidgins puis de créoles sur la seule base du dialogue, reflétant la création des langues en général,.

Cette vision des choses n’est pas réductible à la question de l’œuf et de la poule. Les monocellulaires ne descendent pas de multicellulaires, le cerveau reptilien ne descend pas du néo-néo-cortex, la fonction digestive et respiratoire du canal buccal n’est pas une adaptation de sa fonction phonatoire, l’aire cérébrale dédiée à la manipulation d’objets n’est pas une adaptation des aires de Broca et de Wernicke etc. la fonction communicative – interlocutive n’est pas une adaptation de la fonction cognitive. Pour toutes ces propositions, c’est le contraire qui est vrai. La pensée est un produit dérivé du langage, issu de l’interlocution. Or celle-ci fait appel à des mécanismes divers dont le lexique et la grammaire ne sont que la systématisation destinée à réduire l’entropie propre à la pragmatique. L’into-prosodie, la deixis, la gestuelle, à forte composante iconique et interlocutive et dépendent du contexte, là se trouve la racine du langage et en chercher les tenants et les aboutissants uniquement dans sa partie symbolique, arbitraire et rationnelle, soit dans la grammaire et le lexique équivaut à chercher une pièce juste au-dessous du réverbère car c’est là qu’il y a de la lumière.

 


18/03/2013
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