José Deulofeu, Existe-t-il une qualification par "complétive" : le cas des énoncés tels que : "il y a des gens que tout est toujours mal fait" en français parlé. Comparaison avec d'autres cadres syntaxiques de la qualification.
José Deulofeu, Article : Existe-t-il une qualification par "complétive" : le cas des énoncés tels que : "il y a des gens que tout est toujours mal fait" en français parlé. Comparaison avec d'autres cadres syntaxiques de la qualification.
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José Deulofeu, Résumé : Existe-t-il une qualification par "complétive" : le cas des énoncés tels que : "il y a des gens que tout est toujours mal fait" en français parlé. Comparaison avec d'autres cadres syntaxiques de la qualification.
Existe-t-il une qualification par "complétive" : le cas des énoncés tels que : "il y a des gens que tout est toujours mal fait" en français parlé. Comparaison avec d'autres cadres syntaxiques de la qualification.
Si l’on accepte l’idée que la qualification est une opération sémantique par laquelle des propriétés sémantiques d’un élément apport sont ajoutées aux propriétés d’une entité support pour constituer une entité pourvue de la somme de ces propriétés, on peut établir une typologie à la fois des catégories linguistiques qui peuvent constituer un apport et des relations syntaxiques qui peuvent relier la catégorie qualifiée et la catégorie qualifiante. De nombreuses études ont souligné la variété des unes comme des autres. Il me semble cependant que le rôle de certaines catégories dans la qualification n’a pas été suffisamment souligné. Les catégories qualifiantes le plus étudié sont des catégories susceptibles d’être interprétées comme des prédicats : adjectifs, relatives, participes. Les complétives, c’est à dire des constructions verbales à verbe conjugué précédées de que ne sont pas, à ma connaissance mentionnées parmi les qualifiantes. Elles ne paraissent pas a priori pouvoir jouer le rôle d’un prédicat ni en avoir la structure interne : leur rôle syntaxique est plutôt celui d’un argument de prédicat. Or il semble bien qu’elles jouent ce rôle dans certaines constructions, attestées en français parlé contemporain (1 à 4)et en français écrit plus ancien (5) :
(1) L1 il faudrait qu’il vienne des filles valables L2 c’est quoi valables L1 valables + des filles à peu près intéressantes pas intéressantes physiquement + que tu peux discuter avec eux et tout
(2) il y a des [statues de] vierges que quand tu les retournes la neige se met à tomber
(3) L1 il y a vraiment des petites boutiques sympas // ma jupe noire là / que Marie-Laure m' a dit / ouais / elle est sympa / avec les poches tout en bas / ben je l' ai achetée là-bas //
(4) il y a deux sortes d’ouvriers il y en a que tu leur parles ils comprennent de suite et il y en a que bon ils sont pas d’accord avec toi mais il faut leur expliquer ils comprennent après quand même (Corpus oral)
(5) il y a encore plusieurs ouvriers que lorsqu’ils rencontrent le nom de Saint Pierre et Saint Paul etc., ils mettent cette S seule à la fin de la ligne (Rodil, texte du XVIè, cité par Brunot Histoire de la Langue Française)
Dans (1), le locuteur, interrogé sur la signification d’une qualification établie au moyen d’un adjectif, l’explicite en énonçant d’abord des adjectifs, puis une structure de complétive. Dans les autres exemples des qualifications par complétives servent à définir des sous classes d’entités ou à qualifier une entité.
On pourrait chercher à analyser certaines de ces structures comme des relatives non standard où un pronom « résomptif » occupe la place de la variable caractéristique de la relative. Cetteanalyse pourrait sans doute s’appliquer à (1), mais je montrerai qu’elle ne peut l’être aux autres cas. Comment expliquer alors qu’une structure verbale qui n’a pas la forme d’un prédicat, mais d’une proposition complète puisse servir à qualifier ? Mon hypothèse est que dans tous ces cas le que n’introduit pas une structure grammaticale de complétive mais une énonciation autonome rattachée par une relation énonciative (« macrosyntaxique ») au contexte nominal ou verbal. Cette énonciation n’étant pas reliée à l’élément qualifié par une relation grammaticale de prédication ou de « modification » n’est pas soumise aux restrictions que ces relations imposent aux catégories qu’elles relient. Les relations énonciatives qui relient la structure que + énonciation à l’élément qu’elle contribue à qualifier découlent de son statut de Comment (ou de « noyau » macrosyntaxique). On trouve ce Comment :
dans une structure Topic comment (1, 2, 4 et 5). On remarquera notamment que le que est facultatif dans ces énoncés : (2’) Il y a des vierges quand tu les retournes la neige se met à tomber
dans une structure où un Comment fonctionne comme Comment secondaire (parenthèse) dans une structure englobante Topic comment (3).
D’un point de vue sémantique, l’effet de qualification est en fait obtenu par « inférence » à partir de l’interprétation de la structure Topic –Comment : il y a des vierges dont on peut dire que : quand on les retourne la neige se met à tomber.
Références
DEULOFEU, J., 1999a « Questions de méthode dans la description morphosyntaxique de l’élément que en français contemporain », in: Recherches sur le français parle, n°15, 1999, Publications de l’Université de Provence, Aix-en Provence.
ERIKSSON, O, 1993, La Phrase Française Essai d’un inventaire de ses constituants syntaxiques, Acta Universitatis Gothoburgensis Surte
LAMBRECHT, K., 2000, "Prédication seconde et structure informationnelle. La relative de perception comme construction présentative, in: Langue française, 127.
LAMBRECHT, K., MICHAELIS, L., 1996 “Towards a construction-based theory of language function : the case of nominal extraposition“, in: Language, vol. 72,n°2.