Cercle Linguistique d\'Aix-en-Provence

Cercle Linguistique d\'Aix-en-Provence

Pablo Kirtchuk, Résumé : Principia Linguistica

Pablo Kirtchuk

(CNRS-LACITO, INALCO)

 

Principia Linguistica

 

Mots-clés

accusativity - actancy - Afroasiatic - Amerind – anaphora = Intra-Discursive deixis - Aramaic - autopoiesis - biology - biphonematism of the Semitic root – Bühler - communication (> categorization / conceptualization) - multiple encoding - cognition - complexity - context - creologeny - Darwin - deixis - diachrony - diaglottics - human dimension of language - dynamics : interlocution > language faculty, discourse > grammar, parole > langue, praxis > system - loanability scale - epigeny - ergativity - evolution - expressivity - focalization - function - grammaticalization - Greenberg - Guarani - Hebrew - internal hierarchy of the utterance – interaction - Hispanic - iconicity - Indo-european - intonation - Lamarck - languaging - Maturana (& Varela) - interaction – (deictic vs.) noun vs. verb - non-person - onomatopoetics - ontogeny - origin of language - paleontology - pauper Popper - phylogeny - Pilagá - pragmatics - prosody - proto-sapiens - Quechua – reduplication - scalarity - segmentals – subsegmentals - Semitic - Spanish - taboo - topicalization - typology - valency - zero marking

 

Résumé

Ce qui sous-tend la recherche linguistique dès ses origines et jusqu’à présent est l’hypothèse grammatocentrique. A preuve la prolifération de théories commençant par ‘grammaire’. Or l’hypothèse grammatocentrique en linguistique équivaut à l’hypothèse géocentrique en astronomie dont la version élaborée par Ptolémée a subi pendant les 15 siècles où elle a prévalu de multiples ajustements pour se conformer aux observations sans cesse renouvelées. Or si une théorie a besoin de modifications aussi nombreuses et permanentes pour prévaloir c’est que l’hypothèse sur laquelle elle est fondée est fausse. L’hypothèse géocentrique a été remplacée par l’hypothèse héliocentrique. De G comme géo- on est passé à H comme hélio-. Ma propre théorie du langage, LUIT (Language: a Unified and Integrative Theory), désormais PL, fait le même passage de G à : de G comme grammato- à H comme humano-centrique. H donne aux observations anciennes un sens nouveau et intègre des faits connus que G avait pourtant ignorés. LUIT (que j’ai commencé à développer en 1987) est donc – modestement – une révolution copernicienne qui confirme la thèse de Kuhn (1964) : la science avance par à-coups et non pas par accumulation linéaire de données.

Si la théorie de l’évolution postulée par Lamarck et corrigée par Darwin n’avait pas été énoncée, le langage l’aurait suggérée. Nous étudierons (1) la morphophonologie, syntaxe, sémantique et pragmatique des (a) déictiques démonstratifs et des noms, (b) personnes dialogales vs. non-personne (2) des aspects de l’into-prosodie et de la hiérarchisation interne de l’énoncé  (3) l’onomatopée à la base des racines afro-asiatiques.

La dynamique du langage est multidimensionnelle et s’exerce en phylogénie, ontogénie, synchronie, diachronie, créologénie, emprunt. La systématisation du langage à la fois en tant que faculté ayant un versant anatomique, physiologique et génétique, donc en tant que réalité biologique puis en tant que structure caractérisée par des relations internes au sein de et entre ses composantes que nous appelons grammaire et lexique, ne peut avoir émergé au cours de l’évolution ni fonctionner en tant que phénomène vivant que comme résultat d’une interaction permanente et non circonscrite à certaines périodes de l’année ou de la vie, ni à des tâches préétablies génétiquement ni à certaines catégories sociales au cours des centaines de milliers de générations entre les membres d’une même espèce ou sous-espèce qui s’en sont dotés au point d’en faire une propriété définitoire qui a des aspects biologiques mais ne se résume pas à ceux-ci. Grâce à cette interaction toujours à l’œuvre dans la mesure où l’Homme reste un être biologique.

Parmi les propriétés constitutives du langage se trouvent : (1) sa nature phonique et les organes afférents à la production des phonèmes non-segmentaux et segmentaux ; (2) la créativité – la création d’information – et non simplement la transmission d’information existante – sur la base d’une réalité dont le locuteur / auditeur fait partie ; (3) la hiérarchisation de cette information lors de la communication en fonction de l’importance relative qui lui est attribuée, du degré de connaissance partagée et de sa mémorabilité, accessibilité et réactibilité relatives ; au besoin en faisant fi des contraintes grammaticales ; (4) l’iconicité, soit le lien entre forme et contenu, qui s’accroît dès qu’on approfondit dans les couches pré-grammaticales du langage ; (5) la deicticité ou la capacité à montrer des objets extra-discursifs en contexte partagé sans conceptualisation ni mémorisation et sans les structures cérébrales idoines, capacité propre à l’Homme à l’exclusion de toutes les autres espèces ; (6) la distinction à tous les niveaux entre d’une part les deux personnes dialogales, ce qui reflète une conscience de soi comme distinct d’autrui, donc la conscience d’autrui, et d’autre part la non personne (7) l’existence de domaines sémantiques réservés liés à la psychophysiologie humaine et traités spécifiquement dans le langage, puis la hiérarchisation de la parole en fonction des rapports sociaux, (8) la possibilité pour les langues de se mélanger sans égard pour leurs différences grammaticales.

Parmi les propriétés correspondantes des langues particulières, on trouve entre autres, translinguistiquement (a) l’importance capitale de l’intonation-prosodie, qui au besoin prévaut sur la composantes grammaticale et lexicale du message (b) la capacité de combiner des éléments pour créer des réalités nouvelles voire inexistantes, la seule contrainte étant l’inter-compréhensibilité ; (c) la possibilité de rhématiser et thématiser des éléments de l’énoncé en faisant fi des contraintes grammaticales ; (d) l’iconicité destinée à faciliter la compréhension, mémorisation et réaction au message en temps réel ; (e) les différences à tous les niveaux entre noms et déictiques ; (f) l’affinité entre les deux personnes dialogales aux niveaux morphologique, syntaxique, sémantique et pragmatique en face des différences qui les opposent à la prétendue 3e personne, en fait une non-personne (Benveniste 1965, Kirtchuk passim) ; (g) l’existence de lexèmes tabou d’une part, de formes de politesse et honorifiques d’autre part qui ne peuvent s’utiliser à bon escient qu’en contexte défini d’un commun accord par les deux interlocuteurs au risque de rompre le dialogue ; (h) la formation de pidgins puis de créoles sur la seule base du dialogue, reflétant la création des langues en général,.

Cette vision des choses n’est pas réductible à la question de l’œuf et de la poule. Les monocellulaires ne descendent pas de multicellulaires, le cerveau reptilien ne descend pas du néo-néo-cortex, la fonction digestive et respiratoire du canal buccal n’est pas une adaptation de sa fonction phonatoire, l’aire cérébrale dédiée à la manipulation d’objets n’est pas une adaptation des aires de Broca et de Wernicke etc. la fonction communicative – interlocutive n’est pas une adaptation de la fonction cognitive. Pour toutes ces propositions, c’est le contraire qui est vrai. La pensée est un produit dérivé du langage, issu de l’interlocution. Or celle-ci fait appel à des mécanismes divers dont le lexique et la grammaire ne sont que la systématisation destinée à réduire l’entropie propre à la pragmatique. L’into-prosodie, la deixis, la gestuelle, à forte composante iconique et interlocutive et dépendent du contexte, là se trouve la racine du langage et en chercher les tenants et les aboutissants uniquement dans sa partie symbolique, arbitraire et rationnelle, soit dans la grammaire et le lexique équivaut à chercher une pièce juste au-dessous du réverbère car c’est là qu’il y a de la lumière.

 



18/03/2013
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