Cercle Linguistique d\'Aix-en-Provence

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Résumés des exposés

La grammaticalisation

PRESENTATION DES EXPOSES

Année 1999-2000

 

(Certains exposés sont disponibles dans leur intégralité  : cliquez sur "lire l'exposé")

 

Sibylle Kriegel 

 " Grammaticalisation et créoles : un élargissement du concept ? "

 

Depuis le début des années 1990 les publications consacrées au concept de grammaticalisation se multiplient. Selon les définitions les plus courantes (p.ex. Lehmann 1995) il s’agit d’un processus unidirectionnel dans lequel des lexèmes perdent progressivement leur autonomie pour devenir des éléments grammaticaux. Ce processus peut être envisagé dans une perspective synchronique ainsi que diachronique et est souvent défini comme étant interne à la langue.

L’application de cette théorie à l’évolution des langues créoles fournit des résultats extrêmement intéressants. Cependant, les conditions de genèse ainsi que la situation sociolinguistique particulières des langues créoles nécessitent une perspective plus vaste : afin d’expliquer certains changements linguistiques dans ces langues, il faut aussi tenir compte de facteurs extérieurs, avant tout du contact de langues (influence des superstrats et des substrats) ainsi que, au moins en ce qui concerne certaines langues créoles, du passage à l’écrit. A l’aide d’exemples concrets du créole seychellois, j’essaierai de démontrer que certains changements linguistiques qui semblent être, à première vue, le résultat d’un processus de grammaticalisation classique, sont en effet le résultat d’une convergence de différents facteurs.

Lire l'exposé au format pdf. : La-grammaticalisation-Kriegel-claix.pdf

 


Daniel Bresson

La grammaticalisation, application à l’allemand

 

Certaines constructions, catégories ou associations prennent soudain, ou plutôt au cours de l’évolution d’une langue ou d’un groupe de langues, un caractère "grammatical", c’est-à-dire qu’elles deviennent dans cette langue ou ce groupe de langues des signifiants porteurs d’un signifié grammatical précis. La grammaire ou linguistique comparée des langues étudie en particulier comment la "grammaticalisation" s’opère différemment dans les diverses langues naturelles.

Cela signifie qu’il faut mettre en évidence ces signifiants et ces signifiés grammaticaux, ce qui n’est pas toujours évident, à en juger par les discussions portant par exemple sur l’existence ou non d’un "aspect grammatical" (opposé à un aspect marqué lexicalement) dans les diverse langues européennes.

Je me propose d’examiner quelques faits de grammaticalisation caractéristiques de l’allemand, dans le groupe nominal et dans les formes verbales. Dans le groupe nominal, j’examinerai la grammaticalisation de l’opposition der/ein en tant que marque de la catégorie de la définitude, et de l’opposition entre les deux déclinaisons de l’adjectif. Dans les formes verbales, j’examinerai la grammaticalisation de constructions périphrastiques : werden + infinitif = comme expression du futur, werden + participe II (accompli/passé) = comme expression du passif, sein/haben + participe II = comme expression de l’accompli.


 

Christian Lehmann (Universität Erfurt)

Grammaticalisation et lexicalisation des adpositions

 

Une adposition est un relateur asymétrique qui, au niveau fonctionnel, lie un participant ou une circonstance à une situation et qui, au niveau structural, est grammaticalisé à un moyen degré et forme un syntagme avec le syntagme représentant le participant/la circonstance. La création des adpositions se fait ou bien par des processus plus ou moins réguliers de formation de mots ou bien par la combinaison de la grammaticalisation et analogie. La grammaticalisation des adpositions fortifie leur relationnalité parce que celle-ci est leur raison d'être.

Par une combinaison de deux critères, le type de relation spécifié par une adposition et la classe sémantique à laquelle appartient son complément, arrive-t-on à une classification sémantique des adpositions. Ainsi peut-on, par exemple, classifier les adpositions locales. Sous le point de vue structural, on peut les classifier selon leur origine, dénominales ou déverbales ou déadverbiales. Il y a une forte corrélation entre la classe sémantique et l'origine d'une adposition.

 


 

André Valli

Permanence et évolution dans l'emploi du déterminant zéro en français. Perspective diachronique

 

On recense pour le français, si l'on écarte celui des noms attributs, trois contextes pour lesquels on a observé dans le passé et on observe toujours, selon les cas, un phénomène de flottement dans l'emploi des déterminants, zéro apparaissant en concurrence avec les déterminants indéfinis (singulier ou pluriel) et partitif :

     - le contexte des noms régimes directs, en particulier avec certains verbes comme avoir, donner, faire,
     - celui de certains noms sujets passifs
     - celui de noms, compléments de nom ou de verbe, régis par une préposition.

Dans une étude déjà un peu ancienne, mais non publiée, je me suis intéressé aux conditions de l'emploi du déterminant zéro devant les noms régimes d'un certain nombre de verbes. Comme on le sait, un grand nombre d'études ont été consacrées au statut de cette forme de détermination, en particulier à partir de 1600 : Malherbe déjà signalait la singularité de cet emploi avec les noms abstraits, les grammairiens et remarqueurs du XVIIe siècle ont dressé des listes de ces constructions verbales à déterminant zéro qui annoncent l'inventaire des "locutions coalescentes" de Damourette et Pinchon.

L'examen de ces listes est intéressant, parce qu'il apporte deux enseignements. Le premier est que les "locutions verbales" relevées sont, dans une large mesure, des constructions support de verbes comme Faire, Avoir, Donner, etc. Le second enseignement est que, comme le montre Bjørkman 1978, l'inventaire des "locutions" se réduit considérablement avec le temps. C'est la raison pour laquelle, suivant une indication de M. Gross 1985, j'ai tenté une réfutation de l'hypothèse "locutionnelle" en cherchant une explication historique de l'existence en français contemporain, avec certains verbes, de régimes nominaux directs non articulés.

L'étude que j'ai conduite sur un corpus de textes de moyen français m'a donné l'occasion de dégager un certain nombre de tendances dans l'usage du déterminant zéro à une époque où l'emploi de cette forme de détermination apparaît productive. L'emploi de zéro apparaît en concurrence avec l'emploi de l'indéfini ou du partitif selon les cas ; d'autre part cette concurrence semble conditionnée à la fois lexicalement et grammaticalement : en effet, entrent en ligne de compte le caractère massif ou continu des noms, le nombre, singulier ou pluriel, la présence d'une modalité (négation, restriction, interrogation), la présence d'un élément modifieur antéposé de type "doseur", etc.

Cette hypothèse, selon laquelle le français aurait connu un changement linguistique dans les formes de grammaticalisation de la détermination indéfinie paraît battue en brèche par des études récentes développées dans le cadre grammatical des constructions à verbe support. Les études de Th. Ponchon 1994 et de M. Herslund 1998 réfutent mes propositions en posant respectivement pour l'ancien et le moyen français une réalisation particulière de constructions à verbe support, caractérisée précisément par l'emploi du déterminant zéro : l'idée défendue est que zéro aurait toujours constitué l'indice du caractère locutionnel de ces constructions.

Il me semble que l'on peut, malgré tout, continuer à soutenir l'hypothèse que j'ai formulée, à condition d'être en mesure de montrer l'existence des mêmes formes concurrentes de la détermination indéfinie dans d'autres contextes syntaxiques. Tel semble être le cas en français pour les constructions nominales prépositionnelles, en particulier celles introduites par les prépositions avec et sans. Une petite étude conduite sur un corpus de français contemporain semble donner l'indication qu'il existe une concurrence entre zéro d'une part et l'indéfini ou le partitif d'autre part, lexicalement et grammaticalement conditionnée.

 

 


 

Dominique Batoux

Les verbes support dans les expressions prédicatives en allemand moderne

 

Si, comme le fait la Grammaire méthodique du français (1998:536) -, on entend par "morphèmes grammaticaux" - des mots-outils formant des paradigmes figés, alors je voudrais montrer ici que certains verbes supports d'expressions prédicatives en font partie. J'entends par "verbe support" des verbes tels que prendre dans prendre la fuite (die Flucht ergreifen), tenir dans tenir un discours (eine Rede halten) ou avoir dans avoir peur (Angst haben). Leur grammaticalisation n'est bien sûr pas aussi achevée que celle des prépositions ou des auxiliaires - ils ne répondent en effet pas à tous les critères énoncés par la grammaire précitée -, mais il n'en demeure pas moins que ces verbes ont avant tout une fonction grammaticale.

Toutefois, il ne me semble pas que l'on puisse parler de grammaticalisation du verbe dans tous les cas d'expressions prédicatives recensées jusqu'à présent (Bresson, Mesli, Batoux). Je montrerai, que pour qu'il y ait vraie grammaticalisation, il faut qu'il ait perdu entièrement sa sémantique originelle et que l'expression subisse avec succès un certain nombre de tests.

Lire l'exposé au format pdf : Les-verbes-supports-dominique-batoux.pdf

 


Robert Roudet

Syntaxe des cas et processus de grammaticalisation : l’exemple du datif russe

 

Nous envisagerons le processus de grammaticalisation d’une forme, le datif russe, sur le plan synchronique. Nous partirons d’une valeur purement sémantique des syntagmes au datif et essaierons de montrer que l’on passe de cette valeur initiale à des valeurs de plus en plus grammaticales par une série de transformations progressives ; ces transformations se font selon plusieurs axes qui présentent eux-mêmes un certain nombre de ramifications. On verra que les mécanismes accompagnant (ou provoquant) la grammaticalisation des syntagmes étudiés sont essentiellement les suivants :

- modification de la nature sémantique du prédicat ou de sa réalisation formelle ;
- modification de la nature des actants, en particulier avec le changement de classe animé / inanimé ;
- disparition de l’un des actants ;
- thématisation du syntagme datif.

En conclusion nous indiquerons ce que sont les limites du principe de présentation d’un cas par un schéma de ce genre, comportant une série de ramifications dérivées d’un centre : on verra, en particulier, qu’il est difficile d’y intégrer certains compléments de verbe.

 


Charles Zaremba  

Aperçu diachronique des temps du polonais

 

Le verbe polonais s’accorde en personne, nombre et avec le sujet, mais à certains temps (passé, futur composé) et au mode conjonctif, également au genre, rappelant le comportement du verbe français à un temps composé. Les marques de personne (et de mode pour le conjonctif) ont la particularité d’être mobiles : suffixées au verbe ou à d’autres mots de la phrase. En fait, les marques du passé sont des vestiges du verbe être – qui a d’ailleurs entièrement disparu en russe, mais est resté autonome en tchèque.

Le futur est problématique : il est exprimé par le présent morphologique des verbes perfectifs, et, pour les verbes imprfectifs, à l’aide d’un auxiliaire et de l’infinitif du verbe ou de son thème du passé.

L’exposé se fixe pour objectif de présenter l’évolution du système des temps en polonais depuis les premiers monuments écrits : diminution du nombre de temps liée sans doute à l’importance croissante de l’aspect, origine analytique du passé (un verbe auxiliaire devient un morphème), caractère analytique du futur (un verbe devient un auxiliaire) – on dirait deux mouvements parallèles de désémantisation.


 Valeriu Rusu

Sur l’article en roumain 

 

Si on examine les traits spécifiques du roumain, le NOM, en général, soulève pas mal de questions : la déclinaison (la conservation des cinq cas : NGDAV), le genre (à part le masculin et le féminin, la conservation du genre neutre, ou " ambigenre ", et la tendance à créer le genre personnel), l’opposition sg. – pl. avec des affinités, certes, avec l’italien : pl. m. en –i, pl. f. en –e, mais aussi un pl. neutre en –uri (lat. –ora) et l’" impérialisme " du pl. m. sur le pl. des féminins, etc. (-i).

Mais l’ARTICLE roumain, avec ses quatre catégories (indéfini, défini proprement dit, génitif ou possessif, adjectif ou démonstratif) et notamment la postposition (enclise) de l’article défini proprement dit occupe, sans doute, une place de choix dans une morphologie des langues romanes.





22/02/2014
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