Résumés des exposés
La phrase existentielle
PRESENTATION DES EXPOSES
Année 2001-2002
(Certains exposés sont disponibles dans leur intégralité : cliquez sur "lire l'exposé")
Daniel Bresson :
Les phrases "existentielles". En guise d'introduction : que peut-on entendre par ce terme ?
Le terme "existentiel" ne relève ni de la morphologie, ni apparemment de la syntaxe, car on ne voit pas bien ce que serait une forme, ou une construction, ou une fonction "existentielle". Ce type de phrases, si il existe, doit donc être caractérisé à un autre niveau, et si l'on a provisoirement écarté le niveau morphologique et le niveau syntaxique, il ne reste "plus" que le niveau sémantique, ce qui fait encore beaucoup, étant donné les très nombreux niveaux possibles de l'analyse sémantique.
Quelle peut être la caractéristique d'une phrase "existentielle" ? Qu'elle asserte l'existence d'un état de choses, le terme "d'état de choses" davant être pris dans un sens très large. Cela signifie donc que la phrase "existentielle" entretient un type de relation particulier avec le niveau du "désigné", de la réalité extra-linguistique. Elle asserte qu'un état de choses, exprimé dans le contenu propositionnel, "est".
Nous irons plus loin et associerons aux phrases existentielles les phrases "événementielles", qui assertent qu'un événement a bien lieu.
Du point de vue de la réalisation linguistique, les phrases existentielles sont caractérisées par l'association de certains prédicats et de certains verbes supports :
Il fait beau, je suis malade, Jean a de la fièvre, le fleuve est profond, Hans est médecin
Il en va de même pour les phrases "événementielles" :
Il fait de l'orage, il y a eu un tremblement de terre
On peut aussi envisager une modulation de l'existence et de l'événement :
Jean est tombé malade, un orage a éclaté.
Cette approche implique :
1 - Le classement des prédicats selon une certaine grille : prédicats d'état, d'événements et de processus, de qualités et de propriétés,
2 - La définition d'expressions (verbes supports) qui vont se combiner avec ces prédicats pour faire une phrase "existentielle", "événementielle" etc… C'est alors que la phrase "existentielle" peut être définie syntaxiquement.
En ce qui concerne le français, les verbes supports "existentiels" types sont être et avoir. Mais il y a de nombreuses variantes. Les verbes supports "événementiels" sont faire, y avoir.
Christian Touratier :
Verbe être et verbes d'existence
Alors que les logiciens reconnaissent au moins quatre significations différentes au verbe être, il semble qu'au point de vue linguistique ce verbe ne présente que deux emplois différents : c'est soit un verbe d'existence, soit une copule.
Alors que les grammairiens et les lexicographes sont tentés de dériver ces deux emplois l'un de l'autre, il faut probablement considérer qu'il s'agit là d'un fait d'homonymie plutôt que de polysémie.
Le verbe être d'existence présente un certain nombre de particularités sémantiques et syntaxiques liées à sa signification monovalente qu'on devrait retrouver et qu'il semble possible de retrouver dans les autres verbes d'existence tels que fr. exister ou il y a.
Lire l’exposé (pdf) : travaux_19_existence_touratier.pdf
Eva Agnel :
" Exister " : où et quand ? Problèmes philosophiques et linguistiques
Pour former en hongrois des "phrases existentielles" et aussi des "phrases avec copule", il y a apparemment "un seul verbe" (le verbe van "être") qui entre en jeu. Ce verbe peut se trouver dans une construction locative, dans une construction temporelle, etc. ainsi que dans une construction dite "possessive", vu l'inexistence en hongrois d'un verbe "avoir". Dans certains cas, il doit être omis, dans d'autres, il peut l'être ; et dans d'autres encore, il est emphatique.
Seront traitées les questions suivantes :
- caractéristiques de l'expression existentielle en hongrois
- différence d'avec le même type sémantique en français
- relation entre existence, espace et temps, du point de vue linguistique et du point de vue philosophique
- polysémie ou homonymie : critères pour choisir.
Une liste d'exemples hongrois analysés sera distribuée aux participants.
Renaud Méry :
" Remarques sur les constructions pouvant servir à poser l'existence en français et en anglais "
(le but de cette présentation un peu abstraite n'est évidemment que de gagner du temps pour l'intervention...)
L'exposé tentera d'examiner quelques problèmes posés par certaines des constructions pouvant servir à poser l'existence en anglais et en français. Les analyses feront appel à la Théorie des Opérations Prédicatives et Enonciatives (TOPE) d'Antoine Culioli, dont les citations suivantes résument les principes fondamentaux :
" Produire et reconnaître un énoncé, c'est construire, ou re-construire, des agencements de marqueurs, qui sont la trace d'opérations auxquelles nous n'avons pas accès. Si nous appelons niveau 1 le niveau des d'opérations auxquelles nous n'avons pas accès, les agencements de marqueurs sont de niveau 2 et sont les représentants des opérations de niveau 1. Il nous faut donc construire, grâce à un système de représentation métalinguistique, des opérations de niveau 3 (on aura ainsi des représentants de représentants). " Il s'agit donc de simuler, par la relation établie entre le niveau 3 et le niveau 2, la relation entre le niveau 1 et le niveau 2. Dit autrement, il s'agit de modéliser l'activité de langage, ou plutôt la double activité, non-symétrique, de production et de reconnaissance d'énoncés par les partenaires de l'énonciation.
La théorie choisie pour tenter cette simulation (certes très ambitieuse) est la théorie des repères (qui n'est qu'une parmi d'autres possibles) : " L'observation minutieuse de langues variées et la théorisation de phénomènes en apparence éloignés, m'a amené à poser une relation fondamentale appelée : relation de repérage, construite par l'opération élémentaire primitive dite opération de repérage. Le concept de repérage est lié à celui de localisation relative et à celui de détermination. […] Lorsque, à l'intérieur d'un système de référence un terme x est repéré par rapport à un terme y, l'opération fournit à x une valeur référentielle (détermination d'une propriété) qu'il ne possédait pas auparavant. […] L'idée fondamentale est qu'un objet n'acquiert de valeur déterminée que grâce à un système de repérage ".
Signalons pour finir le rôle central dans la théorie de deux couples de paramètres :
- le paramètre subjectif (S) et le paramètre spatio-temporel (T) qui permettent de définir une situation (ainsi la situation d'énonciation, qui sert de repère-origine, correspond à Moi/Ici-Maintenant) ;
- les paramètres qualitatif (QLT) et quantitatif (QNT), qui interviennent notamment dans les opérations de détermination nominale et verbale.
On peut montrer qu'il y a un lien étroit (sans véritable recouvrement) entre d'une part les paramètres S et QLT, d'autre part les paramètres T et QNT. On peut montrer aussi que dans une opération donnée, l'un des deux paramètres peut être prépondérant, ou les deux équipondérés (donc trois cas de figure). D'une façon très générale, les opérations qui permettent de poser l'existence semblent donner la prépondérance aux paramètres T et QNT. Mais ceci est loin d'épuiser les propriétés des agencements de marqueurs concernés.
Lire l’exposé (pdf) : travaux_19_existence_mery.pdf
Marguerite Guiraud :
Phrases d'existence en russe.
L'exposé ne s'attardera pas sur les problèmes généraux de la structure et du sémantisme de la phrase d'existence, problèmes qui ont déjà été largement évoqués ici même et qui concernent les faits que le russe partage avec d'autres langues indo-européennes, mais s'attachera tout particulièrement aux phénomènes plus spécifiques qui différencient le russe des langues apparentées. Il s'agira, d'une part, des effets de la négation sur des constructions existentielles et, d'autre part, de l'utilisation de la structure avec le verbe byt' 'être' pour exprimer la quantité et la possession.
L'exposé abordera donc successivement quatre points :
- les particularités du verbe byt'
- la phrase d'existence négative
- la phrase quantitative
- la tournure possessive.
Lire l’exposé (pdf) : travaux_19_existence_guiraud.pdf
Charles Zaremba :
" Où que tu sois, si tu es… "
A propos des phrases existentielles et locatives en polonais
Le dernier dictionnaire de la langue polonaise (Inny slownik jezyka polskiego, 2000), distingue plusieurs verbes " être " (byc) homonymes (copule, verbe existentiel, locatif, auxiliaire…) La distinction entre les différents verbes " être " s'appuie sur des différences formelles dont la plus spectaculaire est un supplétisme qu'on observe à la forme négative : ainsi jest ne donne pas nie jest mais nie ma, empruntant une forme du verbe avoir. La structure syntaxique de la phrase s'en trouve modifiée.
L'exposé abordera les points suivants :
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particularités morphologiques du verbe byc
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types de phrases avec byc
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la phrase négative (et la question du cas du sujet)
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histoire de la forme nie ma
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par extension : les verbes de position sont-ils des verbes d'existence ?
Lire l’exposé (pdf) : travaux_19_existence_zaremba.pdf
Sybille de Pury :
L'impossibilité d'une prédication d'existence 'pure' en nahuatl
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Quelques points de description
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En nahuatl classique (langue des Aztèques, époque coloniale, Mexique), il n'y a pas de verbe "exister" lexicalement parlant. On a un verbe, cah, qui est un verbe de localisation, "être quelque part". Ce même verbe sert aussi de copule dans les énoncés attributifs, mais seulement pour l'expression du passé et du futur.
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Quand il y a dans l'énoncé une indication spatio-temporelle, l'existence est rendue le plus souvent par cah "être à", mais d'autres verbes de localisation sont aussi possibles à cette place. Si cette indication spatio-temporelle n'est pas donnée, on a oncah, à savoir le verbe cah précédé du directionnel on- (éloignement du locuteur).
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Suivi d'un nom inaliénable à la forme possédée, oncah signifie "avoir" : oncah ima "(le ver dit nextecuilin) il a des jambes" (lit. "sa/ses main(s) oncah").
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Oncah est quasi homophone de l'adverbe de lieu oncan "là" : dans la mesure où ni le h, ni le n ne se prononcent en finale de mot, il y a souvent confusion de oncan avec oncah.
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Les énoncés existentiels sont très rares dans le corpus qui a été systématiquement étudié ici grâce à l'outil informatique (par exemple, 95 occurrences de oncah dans le Codex de Florence qui fait 1223 pages).
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Peut-on dresser une équivalence entre le "cah" nahuatl et le "être" français ?
1. la copule n'est là, en nahuatl, que pour relayer l'expression de l'aspect-temps : elle n'est pas nécessaire à l'expression des énoncés attributifs. Le nahuatl est, en effet, une langue "omniprédicative" où tout nom peut avoir fonction prédicative et reçoit le même paradigme de préfixes sujets que le verbe. Ainsi ni-teopixqui "je suis prêtre" est un énoncé bien formé (lit. "je-(être) prêtre"). Au passé on a ni-teopixqui ni-catca "j'étais prêtre" (catca : verbe cah au passé), où il y a co-référentialité du sujet ni- et formation d'un prédicat complexe. Le nom ne se distingue donc pas du verbe par son incapacité à avoir fonction prédicative (il l'a, et sans copule), mais par son incapacité à recevoir les marques de l'aspect-temps.
=> cah doit donc être traité comme "être à" et non comme "être".
In campa cah, ca oncah inan "Où qu'il (le jaguar) soit, il y a sa mère"
2. en nahuatl, le nom se distingue aussi du verbe par le fait qu'un prédicat nominal ne s'applique jamais à un indéfini (il est impossible de dire *"Quelqu'un est prêtre"), mais toujours à une entité définie ("je suis, tu es, il est... prêtre"). Par contre, un prédicat verbal peut s'appliquer à une entité indéfinie, qu'il s'agisse de l'objet et/ou du sujet (dans ce dernier cas on a une sorte de passif). Un prédicat verbal dont les actants sont indéfinis est, lui aussi, un énoncé existentiel (cochihua "on dort" ("il y a du dormir"), tlacualo"on mange" (il y a à manger ").
=> Il est difficile de dire "étant donné une (ou plusieurs) entité(s) dont je ne peux rien dire, alors j'en dis que...". C'est bien le verbe cah qui remédie à l'impossibilité de construire en nahuatl des prédicats nominaux à sujet indéfini "qq. chose est X" ·
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Proposition
Toute énonciation s'applique à deux niveaux, l'un subjectal, l'autre situationnel. (M. Launey, Une grammaire omniprédicative. Essai sur la morphosyntaxe du nahuatl classique, Ed. du CNRS, 1994). Dans l'application subjectale, le sujet se voit attribuer un statut privilégié en relation au prédicat ("(Qu'est-ce qui est dit de X ?) X ..."). Mais l'énonciation peut aussi s'appliquer à la situation : on a ici l'attribution de toute la construction prédicative (sujet inclus) à la situation ("(Qu'est-ce qu'il y a ?) Il y a que..."). Lorsque le prédicat est associé à des entités non spécifiées (= dont je ne peux rien dire), alors l'énoncé s'applique à la situation de référence. Un énoncé existentiel pourrait donc être considéré comme étant typiquement un énoncé à application situationnelle.
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