Cercle Linguistique d\'Aix-en-Provence

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Christian Touratier, Les grandes théories des cas de la linguistique moderne

Christian Touratier

 

Les grandes théories des cas de la linguistique moderne

 

 

Résumé

 

 

 

Les linguistes comparatistes modernes du XIXe siècle, dits « Junggrammatiker » ou « néo-grammairiens », cherchèrent à rattacher tous les différents emplois de chaque cas de chaque langue indo-européenne à ce que Delbrück a appelé un « faisceau de relations »,  en y retrouvant les concepts casuels et donc les cas reconstruits qui étaient postulés pour l’indo-européen, lesquels étaient généralement très proches des cas du sanskrit.  

Les linguistes généralistes modernes du XXe siècle, qui se qualifiaient de « structuralistes » ne s’intéressaient pas à chacun des cas pris isolément, mais au système de valeurs que forment ces cas.

Hjelmslev propose une théorie générale où les cas sont des unités significatives qui ne peuvent donc avoir qu’un seul signifié et forment un système sublogique d’oppositions significatives, où « il n’y a pas opposition entre A et non-A, il n’y a que des oppositions entre A d’un côté et A + non-A de l’autre. ». Il entend formuler une théorie générale « à la fois localiste et structurale ». Selon lui, un système casuel a au moins une et au plus trois dimensions, les trois dimensions possibles étant « 1° direction (rapprochement-éloignement), 2° cohérence-incohérence, 3° subjectivité-objectivité ».

Jakobson s’intéresse avant tout au russe, qu’il entend décrire de façon complète, ce qui, pense-t-il, devrait faire progresser la théorie générale des cas. Il a les mêmes principes structuralistes que Hjelmslev, et lui reproche même parfois de ne pas bien les mettre en œuvre. Il récapitule à l’aide du tableau suivant « le système général des oppositions casuelles russes, où à l’intérieur de chaque opposition, le cas marqué se trouve soit à droite soit en dessous :

« (Nominatif →  Accusatif) → (Génitif I → Génitif II)

      ↓                     ↓                     ↓                  ↓

(Instrumental → Datif)  →   (Locatif I → Locatif II) » (Jakobson, 1936, 281).

Kuryłowicz élabore, lui, une théorie des cas de l’indo-européen. Il dissocie les cas prépositionnels des cas seuls, ces derniers étant des morphèmes, alors que le cas est un « sous-morphème », comme l’appelle Kuryłowicz, quand il est « régi » par une préposition. Il reprend la distinction traditionnelle entre ‘cas grammatical’ et ‘cas concret’, qu’il fonde sur  la différence entre fonctions syntaxiques et fonctions sémantiques, et admet que, « mis à part le vocatif et le nominatif, toutes les formes casuelles ont les deux sortes de fonctions, la fonction syntaxique étant primairepour les cas ‘grammaticaux’, et secondaire pour les cas ‘concrets’, et la fonction sémantique étant, en revanche, primaire pour le cas ‘concrets’ et secondaire pour les cas ‘grammaticaux’ » (d’après Kuryłowicz, 1964, 179).

Jean Perrot propose une méthodologie fonctionnaliste. Il entend fonder la théorie des cas non pas sur la morphologie, des cas, mais sur leur fonctionnement syntagmatique et paradigmatique. Par exemple l’accusatif de eo Romam « je vais à Rome », ne représente pas la même unité fonctionnelle que celui de amo Romam « J’aime Rome », parce qu’il commute avec eo in Galliam, in siluam, in portum, etc. alors qu’il est impossible de dire amo *in Galliam, *in siluam, *in portum. Donc techniquement parlant, les deux accusatifs Romam ne représentent pas le même morphème, le premier est une des variantes du morphème relationnel de signifié « dans », et le second est le signifiant du morphème fonctionnel signifiant « Complément de verbe ».

La « case grammar », dans le courant générativiste, s’intéresse plus au sens que Noam Chomsky et postule un niveau plus profond que la structure profonde de la Grammaire générative, niveau qui est avant tout sémantique. Ainsi Fillmore propose une liste de six cas sémantiques:

l’Agentif (A), l’Instrumental (I), le Datif (D), le Factitif (F), le Locatif (L), l’objectif (O).

Ces cas, malgré parfois une identité de nom, ne doivent pas « être interprétés comme correspondant aux relations de structure superficielle » des cas traditionnels, comme nominatif = sujet, ou accusatif = objet.

 Il cherche à formuler un système de règles qui assigne la fonction syntaxique superficielle aux constituants sémantiques du verbe. Par exemple, la fonction syntaxique de  sujet, pour des verbes comme « ouvrir », est fixée par la règle suivante :

« S’il y a un A, il devient le sujet ; sinon, s’il y a un I, il devient le sujet ; sinon, le sujet est le O » (33)

ce qui est formulable en disant qu’il s’agit d’un verbe du type : 

+ [—— O (I) (A)]



29/03/2013
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