Homa Lessan-Pezechki, Résumé : Futur et avenir en persan
Homa Lessan Pezechki
Université de Provence
Futur et avenir en persan[1][1].
Résumé
La plupart des grammairiens s’ingénient à distinguer les valeurs temporelles et modales de chaque tiroir de la conjugaison verbale. En vérité, on peut dire que le tiroir dit « futur », quelle que soit son application temporelle – dans l’avenir ou le passé – est pratiquement toujours affecté d’une valeur modale. Ce qui change en fonction des contextes, c’est simplement la nuance de cette modalité : certitude absolue, quasi certitude, forte probabilité, probabilité faible etc.
Pour parler de ce qui n’est pas encore, les langues se réservent souvent la possibilité de représenter les virtualités futures comme si elles étaient certaines. Pourtant, aussi près qu’il soit du présent, l’avenir garde une part d’incertitude.
Si, en français, les mots « futur » et « avenir » sont utilisés presque indifféremment dans le langage de tous les jours, il est bon de savoir qu’étymologiquement « futur » est emprunté au latin classique futurus, participe futur de esse « être » et « avenir » a sans doute comme origine advenire, de ad « à » et venire « venir ».
Pour parler de « ce qui sera » et de « ce qui viendra » le persan n’a qu’un terme, à savoir, âyande [ppr. du v. amadan « venir »]. Celui-ci sert à la fois d’étiquette pour désigner le tiroir grammatical de l’indicatif et de substantif ou d’adjectif avec le sens du français « avenir ».
Le persan est le troisième état successif d’un même dialecte, le perse du sud-ouest. On est passé d’une langue de l’ancien type indo-européen, à savoir le vieux-perse, à une langue de type moderne, par l’intermédiaire du pahlavi ou moyen-iranien. A l’instar de l’indo-européen qui n’avait pas de forme grammaticale spéciale pour noter une action prévue dans l’avenir, les plus anciens textes indo-iraniens sont dépourvus d’une expression propre du futur. Les deux formes largement utilisées sont le présent de l’indicatif et celui du subjonctif. Dans (1) l’indicatif sert à exprimer un état prêt à se réaliser dans un futur proche et humainement certain puisqu’il est voulu par l’homme ; dans (2) le subjonctif n’exprime pas la volonté humaine, mais indique une action future éventuelle échappant à l’humanité et simplement prophétisée.
(1) bēz az nūn parron nē giryēm
litt. mais de maintenant à après neg pleurerpres1sg
« Mais désormais je ne pleurerai plus. »
(2) ud hān zōr … pad awē āyab aziš ba uzīhād ud pāk bawād ud ō cwar ud mād ahrāmād.
litt. et cette force dans ce feu de ça devenirsub3sg et propre êtresub3sg et à soleil et lune haut allersub3sg
« Et cette force (la force de la lumière) dans ce feu (celui de la fin du monde) du (monde matériel) sortira, sera purifiée et montera au soleil et à la lune. »
Le « futur » persan est formé à partir de l’infinitif apocopé, précédé du verbe câstan « vouloir » conjugué à une forme qui ressemble au présent mais dénué du préfixe mi-[2][2] caractéristique de ce tiroir. Le verbe câstan est plus ou moins vidé de son sémantisme pour constituer le tiroir appelé âyande « futur » : cândan « lire », rad. apoc à când à câh-am când « je lirai ».
Une des subtilités de la langue française réside dans ses différentes manières d’énoncer l’avenir. Les autres langues n’en présentent pas nécessairement des équivalents. Ainsi, comme nous le verrons dans cette étude, le persan n’arrive pas toujours à distinguer ce que l’on appelle, d’une façon d’ailleurs discutable, le « futur simple » et le « futur proche ». En revanche, le présent de l’indicatif, le subjonctif, le passé composé et le passé simple persans sont des tiroirs qui entrent en concurrence avec le futur périphrastique sans oublier le verbe câstan « vouloir » dans les cas où l’on veut faire apparaître le sens purement volitif du verbe. L’analyse de nos exemples montrera que le temps est interprétatif et qu’il faut le calculer à partir de l’ensemble du contexte.
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